Le boom des danses dites « debout »
Les années 2000 ont vu une évolution majeure de la danse hip-hop, avec l’apparition de nouveaux styles tels que le krump, le jerkin ou encore le turfin. Les battles, défits dans lesquels s’affrontent 1 ou plusieurs danseurs d’un même groupe (ou crew) ont également connu un essor considérable, devenant un moyen incontournable de s’exprimer et de se faire connaître de la scène hip-hop via des compétitions avec des événements tels que le Battle of the Year pour le breakdance (danse considérée comme se pratiquant plutôt « au sol ») et Juste Debout (styles de danse considérés comme plutôt dansés « debout » : lock, pop, hip-hop, house dance et expérimental) qui attirent des danseurs du monde entier.
La place de la danse hip-hop à la télévision
Côté français à cette période l’importance accordée à la danse est certes moindre que de l’autre côté de l’Atlantique mais des émissions de télévision telles que La France a un incroyable talent mettent en avant les talents de danse hip-hop comme l’excellent Junior ou un très talentueux Salah… sans oublier les incontournables Twins (pour ne citer que ces exemples!). Bien que déjà très populaires dans le milieu de la danse hip-hop, les Twins franchissent ici un cap de notoriété sans pareil pour des danseurs « de rue », c’est du jamais vue! Même Beyonce les repère et les engage pour sa tournée dès 2012.
Contrairement à la France, aux États-Unis les télécrochés spécialement basés sur la danse font fureur. On peut citer notamment America’s Best Dance Crew ou bien encore So You think You can Dance! Plus récemment Jennifer Lopez a lancé l’émission World of Dance dont la dernière édition date de 2020.
La danse hip-hop se professionnalise

Les compagnies professionnelles de danse hip-hop sont de plus en plus innovantes telles que la Compagnie Käfig et la Compagnie Revolution qui n’hésitent pas à mélanger la danse hip-hop avec d’autres formes d’art telles que le cirque et le théâtre.
Malgré cette évolution, la danse hip-hop reste un moyen pour les jeunes issus de milieux défavorisés de s’exprimer et de faire entendre leur voix. La danse hip-hop est désormais plurielle : tant au niveaux des styles qu’elle propose qu’au niveau des formes artistiques qu’elle peut prendre. Ainsi les danseurs qui pratiquent les danses urbaines peuvent aussi bien avoir une pratique qui reste plutôt « underground« c’est à dire choisir de s’entrainer dans la rue « à l’ancienne », pour continuer à se forger et à se confronter aux conditions difficiles de l’environnement urbain et ainsi s’exprimer librement seul ou au sein d’un crew (groupe de danse). Ou bien il peut choisir une carrière professionnelle, le choix étant de plus en plus vaste: entre interprète ou chorégraphe pour une compagnie professionnelle, danseur pour le show business (show télé, vidéoclips, tournées pour des chanteurs ou des groupes de musique), professeur de danse urbaine…
2018 : les institutions s’en mêlent
Depuis 2018 les institutions se sont en quelque sorte emparées du « phénomène hip-hop » ou plus précisément de la partie breakdance qui est alors considérée à la fois comme étant la plus impressionnante et la plus insaisissable des styles de danse hip-hop.
Voici quelques évènements clés:
Le ministère des Sports ayant donné son aval pour l’intégration du breaking dans les disciplines sportives reconnues, la Fédération Française de Danse (FFD) décide de créer une commission pour développer la pratique du breaking en France en 2019. En juin 2020, la FFD organise le premier championnat de France de breaking, qui se déroule à Paris. Puis en janvier 2021, la FFD annonce que le breaking sera inclus dans les Jeux Olympiques de Paris 2024, en tant que discipline sportive.
La polémique au sein de la communauté
Tous ces évènements récents ont fortement divisé au sein de la communauté hip-hop, et plus particulièrement dans le breaking, pour diverses raisons sur lesquelles nous reviendrons dans un prochain article.
La danse hip-hop reste un moyen pour les jeunes issus de milieux défavorisés de s’exprimer et de faire entendre leur voix. Mais d’un autre côté s’est une danse qui s’est largement démocratisée et métissée ce qui fait qu’elle est parfois difficilement différentiable de certaines formes de danse contemporaine ou street jazz.
Ajoutons à cela le fait qu’une organisation qui n’est pas issue de la communauté hip-hop fasse de la récupération d’une partie de sa culture pose de serieuses questions quant à la perte de l’authenticité et de l’essence même de la danse hip-hop.
Pour conclure
Cet art va sans aucun doute continuer à évoluer et à se renouveler de différentes façons. Cependant il est important pour tout danseur de connaitre l’histoire de la danse hip-hop: connaitre le contexte dans lequel il s’est créé, son évolution, le nom des personnages emblématiques de cette culture ainsi que les nom et les techniques des mouvements de base. Car ce n’est qu’en ayant acquis ces connaissances que les fondations seront suffisamment solides pour lui permettre d’évoluer vers un style qui lui est propre et savoir où il veut aller.
D’un point de vue global on peut noter que, malgré une institutionnalisation grandissante, la danse hip-hop continue de porter un message fort de revendication et de protestation sociale, comme en témoignent des chorégraphies telles que celle de la Cie Käfig sur le thème de l’incarcération et de la rédemption dans la prison de Guantanamo.
Laissons donc l’avenir nous dire si nous avons bien fait de « pactiser » ou bien si ce fut le début de la mort de l’âme de la danse hip-hop…